La marche du soleil rythme nos vies depuis des millénaires et notamment en deux périodes de l'année celles des solstices.Le solstice d'été est bien connu tout comme son lien avec les fêtes de la Saint Jean.
J'ai donc choisi de vous parler de celui d'hiver qui est également lié à une autre Saint Jean, celle d'hiver officiellement fêté le 27 décembre.
Le solstice d'hiver varie selon les années du 20 au 23 décembre, ces deux dates extrêmes étant assez rares et plus fréquemment les 21 ou 22 décembre. Il marque la remontée du soleil et les jours qui commencent à rallonger. En fait cette façon d'énoncer les choses est assez simpliste car le soleil continue de se lever de plus en plus tard jusqu'au 7 janvier, mais il se couche aussi plus tard ce qui explique l'impression de durée croissante. Pour les scientifiques ou les sceptiques cliquez sur ce lien et vous aurez les données exactes pour Mont de Marsan
Le dicton gascon constate cette remontée infime mais apparente aux alentours de Noël
Enta Sente Luce, u saut de puce ( 13 décembre)
Enta Nadau u saut de brau ( bouvillon)
Je vous cite un dicton catalan qui après la puce de Sainte Luce poursuit en privilégiant la rime à la logique
Enta Nadau un pas de passerat (moineau)
Enta Sant Esteve , un pas de lebe ( lièvre) (26 décembre)
Enta l'an nou un pas de bou (boeuf)
Enta Reis un pas d'anheth ( agneau)
Enta Sant Antoni un pas de demoni (démon)
Enta Sant Sebastian un pas de mardan (cochon) ( 20 janvier)
Enta Candelera ua hora sincera ( 02 février)
On sait que Noël est venu se superposer à une série de fêtes païennes centrées sur le solstice d'hiver et la remontée du soleil : les Saturnales de la fin de l'Empire Romain IV° s ( l'Empire romain tardif selon la nouvelle dénomination ) le jour de Dies Natalis Sol Invictus ( le jour de la naissance du soleil vainqueur, 25 décembre ), ou des fêtes religieuses qui ont pour point commun l'allumage de bougies (de Sainte Luce en Suède à Hannouka chez les Israélites).
Pourquoi en serait-il autrement chez nous ? La Gascogne perpétue de façon assez vivace deux célébrations de la lumière renaissante
La halha de Nadau
L'une d'entre elles s'appelle la halha de Nadau : il s'agit d'allumer en plein air un grand feu à la tombée de la nuit du 24 décembre, lequel est censé éloigner le diable, protéger la famille et les récoltes. Autour de Saint Sever, les métayers allumaient sur le haut des collines de grands feux faits de ronces séchées, de dépouilles de maïs, de vieux bois. Au feu de l'un répondait un autre feu plus loin. Cette pratique était courante en Chalosse et est aujourd'hui remplacée par une soirée festive avec vin chaud et chants dont le traditionnel
Halha de Nadau Feu de Noël
Lo porc a la sau Le porc au saloir
La garie au topin La poule dans le pot de grès
Coratge vesin Courage voisin ( en gascon le vesin est tout membre de la communauté pas seulement le plus proche)
Halha de Nadau
la tripa au pau le boudin enroulé sur le baton horizontal
Lo gat au hum le chat à la fumée ( selon les ethnologues, le chat est le Diable ou le loup-garou, il est bien connu que les sorcières cherchaient à jeter des sorts le 24 au soir)
Pum Pum !
Ailleurs dans le Bazadais, la halhe était un balai enflammé que l'on promenait autour des cultures. Souvent cette tradition a dérivé vers un passe-rues avec flambeaux et lampions mais qui procède de la même symbolique.
La trounque de Nadau
C'est une tradition destinée à protéger le foyer qui s'organise autour du bon feu protecteur contre le feu du Diable (comme pour la halha)
Appelé ailleurs soc ou capsau, c'est un gros morceau de bois que l'on met au feu le soir de Noël et qui doit y bruler longtemps. Pour certains jusqu'au jour de l'An, pour d'autres au moins 2 ou 3 jours après Noël. Son existence est attestée dans tout le grand Sud de la France (lou cachofio provençal), en Espagne (tronco de Nochebuena) en Aragon ( tio de Navidad). La tradition catalane du tidon de Nadau nous éclaire : cette grosse bûche - plutot un morceau de souche- doit être déposée au centre du foyer et elle transmet le feu au bois que l'on vient d'y apporter.
Elle symbolise la continuité du cycle des saisons, et l'importance de la structure familiale. D'ailleurs la mise à feu peut s'accompagner en Provence de gestes de type libations romaines ( on verse du vin sur le feu) ou d'incantations ( cache le feu ancien, prends le feu nouveau qui nous remplit de joie, et l'an prochain si nous ne sommes pas plus nombreux qu'au moins nous ne soyons pas un de moins)
Celui qui les prononce est aussi celui qui choisit la trounque, celui qui "fait bouillir la marmite" lou meste ou la daune selon les régions : alors pour réussir l'opération, il choisit un bois volumineux, plein de noeuds, dense et brulant très lentement ( selon les régions du hêtre, de l'olivier, du poirier) . Car en cas d'échec, mille maux s'abbatraient sur la maison.
Voilà comment nous est venue la tradition de la bûche de Noël ! Allez bon Noël et pensez à moi quand vous la dégusterez